Mon bail dans le Barra, la pointe sud de la ville de Salvador, est terminé depuis environ une semaine. J’ai déménagé mon bagage et mon vélo chez Natali, à son appartement dans le Nazaré, district du centre de la ville. Terminé le sommeil bercé par le bruit des vagues. Terminé aussi la faune nocturne tel les putes sur le parapet et les voleurs de touristes qui attaquent à 3h00 du matin en face de mon appartement, la lame à la main. De mon balcon au 7ème étage il était possible de mater pleins de trucs étranges, dont ces événements. De plus, quelques touristes bedonnants et ringards, en groupe de 3-4, toujours âgés entre 50-65 ans, rigolant avec les putes noires de 14-15 ans, en faisant leur petits numéros pour impressionner leurs amis. À la même heure, le vendeur de café à vélo, vacillant silencieusement sous les lumières tamisées, s’arrêtant par-ci par-là et bavardant avec ses clients réguliers, tels les chauffeurs de taxis, les putes et les gardiens d’appartements.
Certains soirs avant d’aller dormir, quand s’était encore sécuritaire pour se promener seul et gambader un tantinet, soit avant 23h00, j’allais m’assoir en face du farol, sur les bancs et je buvais une bière. S’était inévitable qu’un va-nu-pieds ou un crève-la-dalle vienne me voir à chaque fois, s’assoyant à côté de moi et commençant à me déblatérer son histoire rocambolesque. Toujours parcourut le pays à pied en quête d’un futur meilleur, ou ayant 25 enfants à élever, peu importe, en voyant mon visage blanc ca finissait la plupart du temps par être du cinéma pour essayer de soutirer quelques pièces. Quoique certaines personnes furent sympathique et sans posséder la mentalité de l’esclave, mais très rares celles-ci.
Ce qui est bien de Salvador et des pays d’Amérique latine en général, c’est qu’il y a toujours moyen de se dénicher de la bouffe pas cher à chaque coin de rue. C’est plein de petites « lanchonetes » qui font d’excellents jus naturels d’Açaí et autres fruits tropicaux typiques comme l’Umbu, l’Acerola, le Graviola, le Goiaba, le Cupuaçú, le Tamarindo et bien d’autres. De plus, une sélection de plats standard style les « prato feito », un plat composé de riz, farofa et viande de poulet de salmonellose, avec de la salade et des tomates. Le tout sans jamais dépasser les 3-4$CA, un prix normal pour une assiettée juteuse. Et les commerces surtout, des entreprises locales et donc pas le besoin d’aller bouffer absolument dans un fast-food américain ou de débourser 40$ par personne pour une assiettée stylisée surévaluée dans un restaurant de pédant comme dans le Vieux-Québec. De la bouffe simple et efficace pour du monde normal.
Quoique je m’attendais à quelque chose de plus intéressant côté musical, la majorité des baianos écoutent une musique ridicule surnommé le « Pagode », à prononcer « Paguodje ». Une musique simple de Keyboard et de rythmes+effets douteux, avec des danses synchronisée sur le stage à la Britney Spears, des mouvements de hanche exagérés et la combinaison hormonale démesurée masculine avec la provocation continue des femmes, ce qui donne un cocktail explosif de semi-porno musical+dance, mais de mauvais goût, de fond de ruelle, de bas étage. Quoique qu’entre ca et Star Académie et les matantes qui claquent des mains en chantant…Il y a aussi la musique Axé, á prononcer « Aché ». Une musique populaire évidement, basée sur des refrains glorieux à la saveur années 80 avec le mouvement des mains des gens qui dansent, toujours de droite à gauche. D’un pathétisme inégalé. La vrai bonne musique brésilienne provient du nord du pays, le Maracatú, le MangueBeat plus lourd et rock&roll et quelques rythmes de Forró, qui fait penser à la musique des voûtes de Napoléon, guitare et accordéon. Mestre Ambrosio, Nação Zumbi, Otto, etc.
La ville de Salvador est composée environ à 90% de maison de pierre d’adobe situés dans les favelas, ces quartiers pauvres et malfamés. Le reste est environ 9% de classe moyenne et 1% de l’élite corrompue qui baise les autres à longueur d’année sans jamais se lasser. Quelques quartiers tel Pituba sont vraiment plus de classe nord américaine, mais ce ne sont que des docteurs et haut-professionnels qui habitent la. Même les ingénieurs ici sont sous-payés et crève en grande partie la dalle. Avec les employés du McDonald juste pour donner un exemple, qui gagnent 150$CA par mois pour travailler 40 heures semaines, et le restaurant qui vend ses Big Mac le même prix qu’à Québec, on peut se demander pourquoi ce type de commerce fait des profits monstrueux chaque année. Mais qui sont les idiots qui achètent ces Big Macs?
La réalité de ces gens de moyenne et basse classe n’est pas facile. Un salaire très bas, aucune sécurité sociale, des services privés tel les écoles et hôpitaux et des plans d’assurances personnels qui couvrent moins que rien, donc l’obligation d’utiliser les services publiques, qui sont d’une nullité impossible. À voir le genre d’école comme dans les films avec les étudiants qui sautent sur les bureaux et se pendent après les vitres, et le professeur totalement dépassé par les événements qui décide de les laisser continuer. Je l’ai vu en photo, par le frère de Natali, qui s’amuse à prendre des photos en pleine classe avec ses amis, pendant que le prof donne les cours. Ou les professeurs d’université qui viennent enseigner les cours une fois sur trois, sans jamais donner de préavis, et qui font la grève 50% du temps. La décadence totale, à ne plus savoir par où commencer pour régler le problème.
Mais ce n’est pas si dramatique il faut croire, car ces brésiliens sourient toujours, et apprécient la vie. Heureux soit les ignorants, car pour eux le désir se limite à vivre jour pour jour sans planifier le lendemain. Il ne reste plus qu’a sourire et apprécier sa journée, au lieu de s’angoisser sur sa retraite, 35 ans à l’avance. Peut-être vivront-ils moins longtemps mais plus heureux.
Comme entre Natali et moi le courant a bien passé, je vais retourner au Québec et continuer de communiquer avec elle, en attendant qu’elle finisse son université. On verra par la suite qu’elle sera la prochaine étape. Elle voudrait bien venir au Québec, et peut-être essayer de se trouver du travail comme infirmière. Parait qu’il en manque de ce temps-ci, non? Bref, on va avoir le temps de planifier ca de toute manière. Il ne me reste plus qu’a me préparer pour le choc psychologique et physique (30 à 50 degrés de différence combiné à du temps gris et un mélange de slush et neige), pour me réhabituer à cette terre stérile qu’est le Québec. Stérile mais après réflexion quand même bien structuré et la chance d’avoir un système qui fonctionne, aussi mystérieux que ca me parait maintenant. Car je me rends compte que vivre dans une société ordonnée et balancée, dépourvue de pauvreté extrême, de révolutions et d’inégalité sociales, c’est un privilège que trop peu de gens ont sur cette planète. Trop peu sont les endroits ou la vie est si facile et si prospère et ou le système te tiens la main constamment pour t’éviter de tomber dans le gouffre et d’y rester à jamais. Gouffre dans lequel n'importe qui peut finir par tomber ici au Brésil, peut importe la classe social d'oú il vient.